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système de voûtes admis par ces constructeurs dès la fin du XIIIe siècle.

De tout ce qui précède il ressort que les constructeurs anglais, malgré l’apparence compliquée de ces figures, ont adopté au contraire un procédé simplificateur, soit pour le tracé de ces voûtes, soit pour leur structure. Il est intéressant d’observer comment nos voisins, déjà, étaient pénétrés de cet esprit pratique qui tend à faire converger les efforts communs vers un but, en laissant peu de part à l’initiative individuelle. Il est évident que, pour faire une voûte française à la même époque, c’est-à-dire pendant la première moitié du XIVe siècle, il fallait de la part de chaque ouvrier plus d’intelligence et d’initiative qu’il n’en était besoin pour construire une voûte comme celle que nous venons d’analyser. L’épure faite suivant cette dernière méthode, la besogne de l’ouvrier se bornait à un travail quasi mécanique. Il n’en était pas ainsi de nos voûtes, qui demandaient pendant la pose des combinaisons que le maître devait prescrire pas à pas, mais qu’il ne pouvait géométriquement tracer, que le maçon ne pouvait mettre à exécution que par suite d’un effort de son intelligence. Nous croyons qu’il y a plus d’art dans nos voûtes, d’apparence si simple, qu’on n’en saurait trouver dans ce système purement géométrique, très-simple comme procédé pratique, mais d’apparence si compliquée.

Les génies des deux peuples se montrent ainsi de part et d’autre avec leurs qualités et leurs défauts. On n’est point surpris toutefois que les hommes qui déjà possédaient un esprit collectif et simplificateur aussi manifeste fussent également pénétrés de ce sentiment de discipline et d’ordre qui nous fut si funeste aux journées de Crécy et de Poitiers. Tout se tient dans l’histoire d’un peuple, quand on y veut regarder de près, et c’est ce qui fait de l’étude de l’architecture de ces temps, si complétement empreinte du génie des peuples qui la pratiquaient en France et en Angleterre, un sujet inépuisable d’observations intéressantes.

On a vu dans la figure 35 comment les constructeurs anglais, ayant adopté une seule courbe composée pour tous les arcs d’une voûte, appliquaient même parfois cette courbe au formeret, et par suite à l’archivolte de la fenêtre ouverte sous ce formeret. C’est un procédé simplificateur de construction des voûtes, qui n’exigeait qu’une seule épure pour tous les arcs, qui explique pourquoi beaucoup de ces archivoltes des fenêtres appartenant à des édifices voûtés au XIVe siècle sont obtenues au moyen de courbes composées. Il y a, dans cette forme observée par tous ceux qui ont visité l’Angleterre, non pas un caprice, une question de goût, mais l’application rigoureuse d’un système suivi, comme nous venons de le démontrer, avec un esprit méthodique rigoureux dans ses déductions. Une fois la courbe admise par une nécessité de construction, on s’y habitua et l’on s’en servit dans des circonstances non commandées par le système de structure.

Cependant les constructeurs anglais ne s’en tinrent pas à la voûte que