Page:Viollis - Le secret de la reine Christine, 1944.djvu/135

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malade… Bref, lorsque Chanut m’eut quittée, lorsqu’on me força à envoyer Bourdelot qui m’avait sauvée et que Pimentel fut rappelé en Espagne, ma décision était prise : j’allais abdiquer… Tu connais le reste.

Christine s’était arrêtée et contemplait son dernier portrait. Ebba, se levant, lui prit calmement la main qu’elle porta à ses lèvres : — Encore un mot, mon amie. Cette conversion à la foi catholique qui consterne la Suède ?

Il y eut un silence, puis Christine répondit à voix lente :

— Tu sais mieux que personne, Ebba, combien j’ai souffert, pendant toute ma jeunesse, de voir protestants et catholiques, luthériens et calvinistes s’entre-déchirer, s’entre-tuer, au nom du Dieu qui n’est qu’amour et leur père à tous. Je crois en Dieu, mais non pas aux religions qui toutes et chacune ont leur part de vérité et prétendent garder le monopole de cette vérité. Aimer Dieu et le prochain, voilà ma seule dévotion. Tout le reste n’est que grimaces. Alors ?

— Alors… À toi seule, Ebba, je dirai ce qu’il en est. Peut-être trouveras-tu mes raisons bien petites, bien misérables. Voici : Je crains mon esprit changeant, ma résolution chancelante. Qui sait si un jour ne viendra point où je regretterai la Suède et mon trône ? Me couvrirai-je de honte, de ridicule en revenant en sujette, en suppliante dans ce pays où j’ai régné ? Je préfère, en abandonnant la foi de mes pères, élever une infranchissable barrière entre la Suède et moi, entre mon passé et mon avenir.

— Oh ! Christine, quelle douleur ! Ne suis-je pas un peu de ce passé que vous reniez !

— Hélas ! C’est là la grande meurtrissure de mon cœur ; et mon remords de blesser, mortellement peut-être, ma mère que je n’ai jamais tant aimée, mieux comprise. Mais elle et toi, vous viendrez me voir, vous ne m’abandonnerez pas ?

— Peut-être…

— Une raison encore : tu connais mon amour pour Rome. Plus que Paris, c’est la ville de mes rêves, ma ville d’élection, celle entre toutes où je désire vivre et me fixer. Catholique, j’y trouverai la protection du pape, l’estime et l’admiration des habitants, des nombreux pèlerins qui y viennent et s’arrêtent. Je compte m’y créer un foyer,