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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Est-ce là des manières pour une fille que de courir les routes en ajustements indécents ? grommela-t-il avec humeur. Je l’aurais dès longtemps enfermée dans sa chambre haute, renvoyée à sa quenouille, à sa tapisserie, à ses suivantes, aux occupations qui conviennent aux femmes ! Un homme manqué, une reine avortée, voilà ce qu’ils en ont fait !

Christine venait de sauter lestement de son cheval, le remettant au page, vêtu de la livrée royale rouge et bleue, qui composait sa seule escorte, quand un carrosse de voyage s’arrêta devant la porte qu’elle allait franchir.

Une jeune fille s’en échappa, comme un oiseau de sa cage, courut vers l’adolescent et, avec une profonde révérence, saisit sa main pour la baiser.

Elle était nu-tête, ses épaules de neige émergeant d’une robe de satin bleu pâle : des yeux de saphir, de fins cheveux, d’un blond de grève au soleil, des joues à peine teintées d’incarnat, c’était une vraie rose du Nord.

Per Bacco ! s’écria avec admiration le jeune Italien qui, avec son compagnon, avait suivi de loin la reine. Quelle merveille que cette fleur des neiges !

— C’est Ebba Sparre, la grande amie, la confidente de la reine, murmura près d’eux quelqu’un.

— La trop grande amie peut-être, ajouta une voix railleuse.

Mais Christine, relevant la jeune femme qu’elle dominait de la tête, enlaçait tendrement les frêles épaules, tout en couvrant de baisers le fin visage.

— Enfin toi ! s’exclama-t-elle. Allais-tu laisser partir sans la revoir celle qui t’aima et t’aime encore par-dessus tout ?

— Hélas ! Madame, soupira Ebba, je ne suis plus libre. L’époux que Votre Majesté m’a donné…

— Que tu m’as demandé, Ebba, que tu m’as demandé ! Souviens-toi en outre qu’il n’y a plus de Majesté ici, mais seulement une amie, ton amie Christine, qui pour toujours va quitter la Suède.

Ebba poussa un cri de douleur :