Page:Viollis - Le secret de la reine Christine, 1944.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
le secret de la reine christine

cuisines du château et j’ai fait la conquête de notre homme en lui parlant le patois de son pays de Provence. Il se trouve même que je connais son village, non loin d’Avignon. Tu devines sa joie. Alors il m’a tout conté, sur un pot de vin de Châteauneuf-du-Pape. Ah ! quel vin ! Quel velours et quelle flamme ! Pendant son séjour en Avignon, le pape n’a, mordiou ! pas baptisé de plus digne chrétien !

— Bon ! bon ! Calme-toi ! Et si le vin de ton fichu cuisinier t’a laissé un atome de cervelle, conte-moi ce qu’il t’a dit.

— Voilà : les gens de Christine gagneront seuls Hambourg. Quant à Christine elle-même, elle partira demain matin à six heures avec ses deux valets, en route pour la frontière du Danemark. Ils comptent y arriver dans trois jours et coucher dans une hôtellerie, non loin de cette frontière. Nous les suivrons…

— Et que prétends-tu faire ?

— Je vais y rêver, Sentinelli ! Son cheval, paraît-il, a le sang vif… Enfin, à nous deux, nous trouverons bien quelque plan pour nous insinuer auprès de la demoiselle !

Et les deux lurons riant et plaisantant, disparurent dans l’ombre.



Christine, que tant d’émotions avaient ébranlée, ne dormit guère. Longtemps, le front appuyé à la fenêtre de sa chambre, elle contempla la nuit. La pluie avait cessé. La lune à son plein, émergeant des nuages, montait dans le ciel, répandant sur le faîte des forêts, déroulées à l’infini, sa lumière magnifique et froide. Le parfum des roses que la pluie avait exalté montait des massifs, au pied des vieilles murailles, mêlé à l’âcre et douce odeur des sureaux qui semble l’haleine même de juin.

Sentiments et sensations se pressaient confusément dans le cœur de celle qui n’était plus reine : souvenirs, regrets, angoisses, espoirs. Mais l’espoir dominait, et quand vers l’aube elle s’étendit enfin sur son lit, Christine souriait à l’avenir.