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le secret de la reine christine

le temps de la visiter car une lettre nous rappelle à Rome. Mais nous savons quelle civilisation raffinée y règne ; surtout depuis l’avènement de votre grande reine. Stockholm est devenue avec Paris et Rome une capitale des lettres et des arts.

Christine conduisit alors la conversation sur Rome, ses monuments, ses richesses artistiques : tableaux, sculptures, objets d’art.

— Mais vous les connaissez aussi bien et même mieux que nous ! observa un des deux jeunes gens.

— C’est que mon père possède quelques échantillons de votre art et aussi des livres avec des gravures que j’ai passionnément étudiées : il y a là des œuvres de Giotto, du céleste Angélico, de mystérieuses figures de Vinci, des groupes sculptés de ce géant Michel-Ange…

— Peste, Chevalier ! Quel connaisseur vous faites en dépit de vos vingt ans !

— Vous devinez donc ma hâte d’aller admirer ces chefs-d’œuvre, ceux de la Rome antique comme ceux de la Rome chrétienne. J’espère également être présenté à votre pape.

— Alexandre VII ? C’est le plus savant des théologiens, le plus aimable des hommes, le plus fastueux des grands seigneurs ! s’écria Monaldeschi avec enthousiasme.

— Quel dommage, ajouta Sentinelli, que nous ne puissions boire à sa santé et à votre prochain séjour à Rome autrement qu’avec cette triste et lourde boisson !

Christine se retourna vivement :

— Dis-moi, Clairet, n’as-tu pas encore quelques bouteilles de ce vin que tu me fis goûter ce matin ? Un vin qui est presque votre compatriote, Messieurs, et, en outre, un vin du pape !

— S’il ressemble à celui des Châteaux du Saint Père près de Rome !

— Vous allez voir.

Les trois jeunes gens trinquaient bientôt gaîment ; en admirant la couleur de rubis, l’odeur de violette, la saveur incomparable de ce maître vin.

— Il me semble que notre petite Majesté y prend diablement goût ! Elle qui ne souffrait que l’eau ! confia Clairet à l’oreille de Jean Holm dont le long visage jauni se renfrognait :

— Qu’elle se méfie. Il est traître, le bougre !