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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

sais, celui où sont suspendus mes portraits à tous les âges. Nous causerons. Puis à minuit je quitterai Upsal, je partirai… C’est entendu, Ebba ? Alors, à tout à l’heure !

Après un dernier signe et un dernier sourire, rejetant d’un vif mouvement les cheveux flottant sur ses épaules, Christine, d’un long pas hardi de jouvenceau, rentra dans le château.

À quelques pas, dissimulés derrière un tronc d’arbre, les deux jeunes Italiens, le feutre enfoncé sur les yeux, avaient été les témoins cachés de la scène.

— Sang de Dieu ! s’écria celui qui avait déjà parlé, et ne cessait de tourmenter sa fine moustache d’un noir luisant de jais. S’il se trouve ici beaucoup de femmes aussi belles que ce lys rose je me baptise Suédois !

— L’autre n’est pas mal non plus…

— Peuh ! Une virago, une moricaude !

Puis avec un sourire cynique :

— Elle est reine, il est vrai, ou du moins elle l’a été et tient à garder son rang et ses prérogatives. Riche aussi, d’après ce que nous avons surpris, ce qui ajoute diablement aux charmes d’une femme…

Et après une pause :

— Crois-tu qu’elle nous ait vus ?

— Impossible ! Elle nous tournait le dos.

À ce moment-là, un des bourgeois qui se trouvait près d’eux quand Christine à cheval était apparue, s’approcha des jeunes gens. Il avait de la prestance, la mine fleurie, une chaîne d’or au cou.

— D’après ce que j’ai compris, Messieurs, vous êtes étrangers et n’avez trouvé nulle part repas ni gîte ?

— Hélas ! telle est bien la triste vérité, Monsieur !

— Je suis Maître Goefle, orfèvre de la Cour, pour vous servir, et serais fort honoré si vous vouliez bien accepter ma modeste hospitalité…