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le secret de la reine christine

— Désormais, prononce celui-ci avec componction, on vous placera parmi les Saintes, près de votre grande aïeule suédoise, Sainte Brigitte.

— Je préfère de beaucoup la compagnie des sages de la Grèce ! rétorqua-t-elle.

— Vois-tu que je scandalise là-haut ma grand’tante Brigitte, autant qu’elle m’assommera ? confie-t-elle le soir à son amant.



Mais le pape exigeait une abjuration solennelle qui compterait comme une éclatante victoire de la religion catholique.

— Sans quoi, lui fait-il dire, la reine ne pourrait occuper à Rome et dans la société romaine le rang auquel elle a droit.

Christine accepta. Cette abjuration aurait lieu en novembre, dans la ville impériale d’Innsbruck.

La nouvelle s’en ébruita. Elle passa la frontière suédoise et quel scandale, quelle affliction elle causa dans le pays qui était demeuré si profondément attaché à sa petite reine !

— C’est pourtant la fille de mon bien-aimé roi ! soupira le pauvre Chancelier Oxenstiern. Trouvera-t-elle le repentir ?

Et il s’éteignit en murmurant le nom de son ingrate élève.

La malheureuse Marie-Eléonore ne lui survécut guère. Après l’abdication et le départ d’une fille qu’elle avait fini par chérir, ce reniement de la foi de ses pères fut le dernier coup. Elle aussi mourut en appelant vainement sa lointaine enfant.

Ce deuil calma pour un temps la vie agitée de Christine. Elle le passa dans la retraite, ne voulant voir que le seul Monaldeschi. Elle pleura dans ses bras et cette douleur, qu’elle croyait partagée, nuança de tendresse la fougue de sa passion.

Elle devait se sentir bientôt plus abandonnée encore.

Un matin, le comte Dohna se fit annoncer. Il était suivi des quinze gentilshommes suédois qui avaient eux-mêmes choisi d’accompagner Christine en terre étrangère. Ils avaient tous les yeux baissés, la mine affligée.