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le secret de la reine christine

— Madame, dit le Comte, nous venons demander à Votre Majesté la permission de retourner en Suède. Pour vous, nous avions abandonné notre pays, notre famille. Nous avions décidé de ne plus vous quitter. Mais c’est notre vie que nous vous avions donnée et non pas notre âme. Que la fille du grand Gustave-Adolphe, qui vécut et mourut pour la défense de la religion de Luther, devienne une renégate, cela nous ne pouvons le supporter. Adieu, Madame !

Lui baisant la main, il éclata en sanglots et se dirigea vers la porte. Les gentilshommes l’imitèrent et, en dernier, vint le vieux Jean Holm, les épaules voûtées, son long visage contracté de douleur. *

— Et dire que je vous ai fait sauter toute petite dans ces bras-là, gémit-il. Ah ! Madame, un papiste ! Je vous avais bien dit que cela finirait mal !

— Tu vois, tous ceux qui m’aimaient sans calcul sont morts ou partis. Je n’ai plus que toi ! murmurait Christine un instant plus tard à l’indigne oreille du simulateur.



Bientôt, abandonnant la Kermesse flamande, elle reprend sa marche à travers l’Europe, caracole de ville en ville. Sous les arcs de triomphe, par les rues pavoisées, entre des foules curieuses et enthousiastes.

— Tiens-toi toujours à portée de ma vue, dit-elle à Monaldeschi, pour qu’à tout instant je puisse me rafraîchir à ton regard.

Le 3 novembre 1655, flanquée de deux archiducs, sous les yeux de pierre de vingt-huit empereurs et rois qui la contemplent, debout ou couchés sur leurs tombeaux, celle qui fut et se sent encore reine prononce la formule d’abjuration de la même voix virile et décidée que naguère l’acte où elle abdiquait.

— Ecoute, ma fille, regarde, prête l’oreille, oublie ton peuple et la religion de ton père, lui dit, d’un ton solennel, le légat du pape, Lucas Holstenius, en commençant son sermon.