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le secret de la reine christine

La baptisant ainsi à nouveau, c’est son propre nom qu’il lui décerne. Puis il la prie à dîner, ce qui fit beaucoup jaser ; car jamais femme n’avait soupé avec le pape.



Christine a donc réalisé son rêve : elle est à Rome, la Ville éternelle, qui est en même temps la ville natale de celui qu’elle aime. Et justement on lui offre un des plus beaux palais de Rome, le palais Farnèse.

Mais décidément elle a la bougeotte. Avant de se fixer, elle veut voir la France, connaître Paris. Elle prend prétexte d’une épidémie de peste qui vient de se déclarer. La voici de nouveau sur les grands chemins avec une suite de hasard, racolée à la hâte.

Elle laisse à Rome les deux Italiens pour qu’ils y organisent sa maison.

— Je ne puis t’emmener, Rinaldo, explique-t-elle à Monaldeschi. Les Français sont curieux. On devinerait les liens qui nous unissent. Et qu’en dirait la vertueuse reine de France ?

Ce fut d’ailleurs un voyage-éclair qui ne dura pas deux mois. Le duc de Guise fut envoyé à Marseille pour complimenter Christine au nom du roi et de la reine-mère.

— Elle a la taille fournie, la croupe large, dit-il à son retour, le bras beau, la main blanche, mais plus de l’homme que de la femme, le nez aquilin, la bouche assez grande, les yeux fort beaux et pleins de feu…

Et s’il critique son costume quasi masculin et assez débraillé, il célèbre son intelligence et son érudition :

« Elle en sait plus que toute notre académie jointe à la Sorbonne, se connaît admirablement en peinture comme en toutes autres choses. Enfin, c’est une personne tout à fait extraordinaire. »

Elle entra à Paris le soir du 8 septembre 1656 aux flambeaux et au son du canon, comme toujours sur un cheval blanc couvert d’une housse brodée d’or et d’argent. Elle écouta le Te Deum à Notre-Dame, fut reçue par le Parlement en robes rouges, par l’Université, par l’Académie française.