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le secret de la reine christine

reine. Il la trouva seule étendue sur son lit, le visage serein et sans nulle émotion. Il s’agenouilla auprès d’elle et, le cœur plein de sanglots, la conjura par les douleurs et les plaies du Christ de se montrer clémente et de pardonner.

— C’est le plus beau privilège des rois ! lui dit-il.

Mais Christine resta froide, inexorable. Le Père Le Bel tenta donc un autre argument plus décisif :

— N’oubliez pas, Madame, que vous n’êtes pas dans votre pays où vous déteniez la toute-puissance. Vous vous trouvez en France, dans la maison d’un hôte qui est le roi de France. N’aurait-il pas bonne raison de s’offenser d’une exécution faite dans son palais et sans son aveu ?

La reine blessée dans son orgueil, se redressa de toute sa hauteur : — Le droit de justice m’appartient, mon Père, et il m’est loisible de l’exercer en tout temps et en tous lieux. Le roi de France n’a rien à y voir et je ne dois qu’à Dieu seul compte de mes actions…

— Mais vous pourriez, Madame, remettre le coupable entre les mains des juges qui instruiraient son procès… Christine se leva, brusquement :

— Retournez vers cet homme, mon Père, et occupez-vous de son âme…

Et elle lui tourna le dos.

Le pauvre moine, les larmes aux yeux, vint retrouver le condamné qui, voyant l’entretien se prolonger, avait repris quelque espoir et s’accrocha à lui comme un naufragé à une épave. Il l’embrassa et lui murmura à l’oreille :

— Je ne puis plus rien que prier pour vous et avec vous.

Le malheureux chancela en poussant deux ou trois grands cris.

Comment l’idée de défendre sa vie ne lui vint-elle pas ? Il portait une cotte de mailles sous son pourpoint et, comme tout gentilhomme, était armé d’une dague. Ne pouvait-il tuer ou blesser les sbires ? Tuer, par exemple, son bourreau Sentinelli qui avait causé sa perte et venait d’entrer dans la galerie pour se repaître de sa vengeance ?

Faut-il croire qu’il descendit jusqu’à supplier ce faux ami d’aller implorer pour lui la miséricorde de la reine, leur maîtresse ? Le beau favori n’était plus qu’une loque sans courage ni dignité.