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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

Et Christine, dans le carrosse où elle étouffe sous les voiles noirs partit avec Marie-Éléonore, derrière le char funèbre entouré de piquets de soldats, pour le château de Nykoping où elle devait passer un an.

Le cercueil fut placé dans la grande salle du château.

— Je ne peux plus souffrir la clarté du jour, sanglotait la reine-mère. Tendez-moi d’étoffes noires ces murs, ces fenêtres ! Apportez des flambeaux.

Dans cette nécropole, la lumière des cierges funéraires était seule à danser, et comme chants l’on n’entendait que des hymnes de mort.

— Madame, le repas est prêt, suppliaient les suivantes. Vous n’avez rien pris aujourd’hui. Il faut vous soutenir !

— Pourquoi faire ? Mange-t-il, lui, immobile et glacé dans le cercueil où son corps bienheureux est couché ? Je veux mourir ! Je veux qu’on rouvre ce cercueil et qu’on m’étende à son côté !

Abattue sur le sarcophage, elle restait prostrée les bras en croix et l’on entendait ses ongles qui crissaient sur l’airain.

— Madame, si ce n’est pour vous, songez à votre fille, à l’héritière du trône que vous allez tuer.

— Mais je ne pense qu’à elle ! N’est-elle pas l’image de mon bien-aimé ? Viens, mon trésor, viens dans mes bras. Laisse-moi te contempler !

Les larmes coulaient sur le front, dans les cheveux de l’enfant. Les hoquets de douleur secouaient son petit corps, étendu sur la lugubre couche.

À leurs pieds, les nains et les bouffons dont Marie-Éléonore aimait s’entourer, affublés d’oripeaux de deuil, mimaient le désespoir, levaient les bras au ciel, faisaient d’horribles contorsions en gémissant de leurs voix aiguës qui donnaient le frisson.

Le soir, Christine baisait la custode d’or, suspendue au-dessus de sa tête où était enfermé le cœur de son père et après avoir dit ses prières s’efforçait de dormir. Mais, du fond du lit où elle reposait auprès de sa mère, dans l’ombre peuplée de sanglots, Christine aper-