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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

Christine fut donc brusquement enlevée à sa mère qui ne dut plus la voir que trois fois par an, hormis les cas de maladie.

Elle renouvela gémissements et protestations. Elle en voulait surtout à Axel Baner, gouverneur de Christine, qui avait été le compagnon de plaisir de Gustave-Adolphe, et qu’elle soupçonnait de l’avoir entraîné dans des escapades, même après son mariage.

— Dire que ce vil débauché ose me voler mon enfant ! clamait-elle.

Le pays retentissait de ses plaintes. Mais elles restèrent sans écho. Car elle n’était point populaire. Son budget était toujours en équilibre instable, on lui offrit, pour la faire taire, un dédommagement financier. Calmée, elle accepta et, avec nains et bouffons, retourna pleurer le roi au château de Gripsholm qu’on lui avait attribué comme douaire, et qui était en Sudermanie, tout proche de la frontière suédoise.



Les deux amies étaient toujours enlacées dans la bergère dont le reflet dansait sur leurs visages rapprochés. Elles se turent un instant, pensives. Puis Christine tourna doucement la tête de la jeune femme vers un panneau qui leur faisait face :

— Regarde, Ebba. Ce portrait date de l’époque où l’on m’enleva à ma mère : coiffée d’un chaperon de mousseline blanche à long voile, en robe noire montante, les mains sagement croisées sur ma poitrine, n’ai-je pas l’air d’une petite nonne ? Et ce visage si menu, si réduit que mes yeux apparaissent plus grands que ma bouche ?

— Ils sont toujours très grands, Christine…

— Si l’on ne m’avait alors sauvée de cette existence, en constante compagnie avec la mort, j’aurais bien vite rejoint mon père.

— Pauvre petite fille que je n’ai point connue…