Page:Viollis - Le secret de la reine Christine, 1944.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Nous goûterons tout à l’heure avec le gâteau de Noël d’un vin tout nouveau : un vin fait en Champagne qui mousse et pétille et que ce bon Chanut m’envoya pour mon anniversaire.

— La dernière fois que j’en bus, reprit Magnus, c’était en septembre dernier à Paris, pour fêter, un autre anniversaire de reine, celui d’Anne d’Autriche. Assez différent toutefois, puisque la régente de France a plus de deux fois autant d’étés que vous avez de printemps, Madame !

— Voulez-vous bien m’appeler Christine, Magnus ! En effet, elle a exactement quarante-cinq ans, Anne d’Autriche. Peut-on bien avoir quarante-cinq ans ? Au moins est-elle encore belle ?

— Une des plus belles de son royaume ! s’écria Magnus. Elle a de la fraîcheur, un agréable embonpoint, la bouche petite et vermeille, des cheveux admirables, des mains et des bras d’une beauté surprenante… Quant à sa peau, c’est un miracle de velours blanc à peine teinté de rose, comme la neige sous le soleil d’hiver.

— Soleil d’hiver, en effet, ricana Erick.

— Quel enthousiasme ! fit à son tour Charles-Gustave. Ne dirait-on pas, Comte, que vous en avez tâté ?

— Moi ? riposta Magnus. Je n’aurais garde de marcher dans les plate-bandes de l’homme le plus puissant, le plus dangereux de France !

— Mais est-il bien vrai que la reine de France se soit abaissée jusqu’à ce faquin d’Italien, sans naissance et sans véritable grandeur ? s’écria Christine qui, pendant le dithyrambe du jeune homme, avait fait une légère grimace. Elle qui, femme de roi, fut aimée et aima, dit-on, le plus bel homme de son temps et des plus nobles, le duc de Buckingham, quelle chute !

Vrai ? sans aucun doute ! répliqua Magnus. Et non seulement lui a-t-elle accordé sa faveur et ses faveurs, mais elle s’est unie à lui par le mariage, un mariage secret. Mazarin est authentiquement le mari de la reine. Je le tiens d’un ami du saint ecclésiastique qui célébra le mariage, Vincent Depaul.

Un cardinal, convoler en justes noces, alors que Rome interdit le mariage à ses prêtres ? objecta Erick Oxenstiern, d’un ton offusqué.