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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Comment cela ? firent toutes les voix en chœur.

— Regardez bien ce temple, continua la reine, regardez-le de tous vos yeux car il va s’écrouler, périssable comme toutes les merveilles du monde ! Ce gâteau, selon l’usage norvégien, devrait, comme vous le savez, demeurer sur la table jusqu’au 6 janvier, jour des Rois. Mais comme le 6 janvier nous serons à Stockholm, c’est à l’instant même qù’il sera sacrifié.

Des cris, des vivats, des exclamations de regret et de joie s’élevèrent et se confondirent, Christine fit un geste. Les pages emportèrent le gâteau sur une crédence, le découpèrent en tranches, en laissant intact au centre le beau monument de sucre givré, et le passèrent à la ronde.

Chaque convive auscultait avec soin le morceau qui lui était échu quand on entendit un léger cri.

— C’est moi qui l’ai ! s’écria Christine.

Et, le visage épanoui, elle éleva triomphalement entre ses doigts la fève, — une figurine de cristal représentant une déesse en tunique et péplum. Vive Vénus !

— Non ! Vive Christine, qui est notre Vénus !

— Vive notre reine !

— Doublement reine !

Les pages versaient le vin blanc léger, le vin venu de France qui moussait et pétillait.

— La reine boit ! La reine boit ! s’écrièrent toutes les voix. Christine regardait son verre en hésitant :

— Vous savez bien que je n’ai jamais souffert que l’eau, fit-elle.

— Oui, mais c’est un jour exceptionnel !

— Et un vin exceptionnel !

— Bon, bon ! Pour vous faire plaisir, alors !

Rayonnante elle leva son verre, puis, trempant ses lèvres dans le blond liquide, l’avala d’un trait après une légère grimace.

— La reine a bu ! La reine a bu !

Tous les convives étaient debout, les hommes, les talons joints, très droits comme à la parade, la main gauche sur le cœur, la main droite dressant très haut leur verre :