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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

Le carquois de Diane et l’écu de Minerve !

Comment veux-tu, Christine, en te voyant briller,
Qu’un mortel devant toi sa liberté conserve ?
Ton pouvoir absolu deux fois m’a dépouillé :
Vois, mon cœur est captif comme mon âme est serve.

Mais ce n’est point assez que de te donner tout.
Reine, pour tes vingt ans, demande-moi ma vie.
Je meurs joyeusement, ou je te suis partout,
Que tu me l’aies laissée ou que tu l’aies ravie.


Il y avait tant de grâce dans son attitude, tant d’expressions mêlées sur son visage : respect, adoration, tendresse, tant de nuances dans sa belle voix grave que ceux-là même qui le jalousaient ne pouvaient se tenir de l’admirer.

Quant à Christine, le regard ému, elle lui dit avec une douceur chez elle inusitée :

— Ces vers sont vraiment fort jolis. Donnez-les moi pour que je les conserve et puisse les relire plus tard, « quand je serai très vieille, le soir à la chandelle », comme dit un autre poète de France.

Mais Ebba, plus rose qu’une rose de mai, sous les regards brûlants de son fiancé qui s’était rapproché d’elle, s’écria soudain :

— Votre roi, Christine ? Vous avez oublié de choisir votre roi ! La reine tourna et retourna un instant entre ses doigts la figurine de cristal, examina l’un après l’autre les jeunes gens, de nouveau debout, côte à côte, Charles-Gustave, écarlate, Erick jaune comme un coing, Magnus souriant, les lèvres tendres, tous leurs yeux ardents aimantés vers elle. Elle hésita imperceptiblement puis, gamine, lança très haut vers la voûte l’étincelante petite déesse.

— Qui m’aime, me prenne ! s’écria-t-elle.

Il y eut une ruée, une mêlée confuse, mais Magnus qui avait bondi le premier tenait déjà le lumineux trophée, le portait à ses lèvres et d’un autre bond léger, tombant aux pieds de la reine, lui baisait la main.