Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/199

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Hector ? » À ces mots, un torrent de larmes inonde son visage, et ses accens lamentables remplissent les lieux d’alentour. Ému de sa douleur, je puis à peine lui répondre, et d’une voix étouffée par les sanglots : « Oui, je respire ; je traîne encore dans les revers des jours dévoués au malheur. N’en doutez pas, je suis Énée ; un vain mensonge n’abuse point vos sens. Mais, vous, hélas ! vous déchue d’un si grand hyménée, quel sort vous éprouve aujourd’hui ? Quelle fortune, après tant de gloire, est digne encore de vous ? L’Andromaque d’Hector est-elle l’épouse de Pyrrhus ? »

Elle baisse les yeux, et dit en soupirant : « Ô mille fois heureuse la fille de Priam, condamnée à mourir sur une tombe ennemie, dans les champs fameux d’Ilion ! Elle n’eut point à fléchir sous un joug odieux, et n’entra point captive au lit d’un vainqueur et d’un maître ! Nous, hélas ! arrachées de nos murs en cendres, et traînées sur des mers lointaines, nous avons essuyé les fiers dédains du fils d’Achille, et subi dans les fers l’outrage de sa flamme orgueilleuse ! Bientôt brûlant pour Hermione, et rallumant à Sparte le flambeau d’un autre hymen, le superbe abandonne l’esclave à l’esclave, et me laisse aux bras d’Hélénus. Cependant Oreste, indigné du rapt d’une épouse promise à son amour, Oreste, que tourmentent les Furies et ses crimes, surprend son rival sans défense, et l’égorge aux pieds des autels. Par la mort de Néoptolème, une moitié de ses états devint l’héritage d’Hélénus. Il honora d’un nom troyen les contrées soumises à ses lois,