Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/215

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point de mers orageuses à parcourir, point de terres à chercher, qui s’éloignent toujours. Vos yeux contemplent une image du Xanthe, une Troie nouvelle que vos mains ont bâtie… Puisse-t-elle croître sous de meilleurs auspices, et moins en butte à la fureur des Grecs ! Si je foule jamais les campagnes où le Thybre promène en paix ses ondes ; si jamais je vois les murs promis au sang d’Assaracus ; je veux qu’un lien fraternel unisse l’Épire et l’Ausonie ; que deux peuples voisins, tous deux sortis de la même tige, tous deux victimes des mêmes infortunes, se confondent par la pensée dans un seul Ilion ; et que ce pacte d’amour soit éternel comme eux-mêmes. »

Bientôt la rive est loin de nous ; bientôt nos galères ont rasé les monts Cérauniens, qu’un étroit canal sépare des plages de Saturne. Cependant le soleil se plonge dans l’Océan, et les montagnes se couvrent d’ombres épaisses. Le paisible aspect du rivage nous invite à descendre. Tandis que les uns veillent près de la rame oisive, les autres, étendus sur la molle arène, s’abandonnent au repos : un doux sommeil leur verse l’oubli de leurs fatigues. À peine la Nuit, conduite par les heures, touchait au milieu de son tour ; le vigilant Palinure s’arrache au sommeil, interroge les vents, et prête une oreille attentive au murmure des airs. Il suit de l’œil, dans la voûte azurée, le cours silencieux des astres ; il observe le paresseux Arcture, et les Hyades pluvieuses, et les deux Ourses, et la brillante écharpe d’Orion. Dès qu’il voit que le ciel serein lui promet