Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/257

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sur des bords ennemis ? Ne songe-t-il plus à sa postérité, aux champs du Latium, aux murs de Lavinie ? Qu’il fende à l’instant les flots ; je le veux, je l’ordonne : annonce-lui mon immuable arrêt. »

Il dit : docile au commandement de son auguste père, Mercure se dispose à l’accomplir. D’abord il enlace à ses pieds ses brodequins d’or, dont les ailes rapides le soutiennent dans les airs, et le portent avec les zéphyrs au-dessus des monts et des mers. Il prend ensuite son caducée, verge puissante, qui maîtrise les pâles ombres, évoque les unes de l’Erèbe, et plonge les autres dans le triste Tartare, et dont la vertu magique donne et ravit le sommeil, appelle ou chasse à son gré les ténèbres de la mort. Armé de son secours, le dieu monte sur les vents, et traverse les nues orageuses. Déjà dans son vol, il découvre le front sourcilleux et les flancs gigantesques de l’inébranlable Atlas, qui porte le ciel sur ses épaules ; d’Atlas, dont la tête chargée de pins, sans cesse enveloppée de noirs frimas, gémit, battue sans cesse des aquilons et des tempêtes : le dos de l’horrible vieillard blanchit sous la neige entassée ; sa bouche séculaire vomit des fleuves mugissans, et sa barbe hideuse se hérisse d’éternels glaçons. Là, suspendant son essor, le fils de Maïa se balance un moment sur son aile immobile : puis fondant tout à coup de ces cimes hautaines, il s’élance vers les ondes, et fuit le long des mers ; pareil à l’agile oiseau qu’on voit planer autour des rivages, autour des roches poissonneuses, et raser de ses ailes la surface des eaux. Tel glissait entre les cieux et la terre le petit-fils d’Atlas ;