Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/259

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tel il effleurait les bancs sablonneux de la Libye ; tel il fendait les airs, et laissait au loin derrière lui son aïeul maternel.

À peine ses pieds ailés ont-ils touché les chaumières puniques, il aperçoit le fils d’Anchise dessinant de nouveaux remparts, traçant des demeures nouvelles. Aux flancs du héros pendait une brillante épée, où le jaspe éblouissant rayonnait en étoiles ; de ses épaules tombait un manteau précieux, que Tyr colora de sa pourpre éclatante : riche armure, qu’il devait à l’amour de Didon ; noble tissu, qu’elle-même avait orné d’une légère broderie d’or. Le dieu l’aborde à l’improviste : « Te voilà donc, Énée, bâtissant l’altière Carthage ! Esclave d’une femme, tu décores pour elle une ville étrangère ! Et ton empire et ta gloire, hélas ! tu les oublies pour une femme ! Le dieu qui régne sur les dieux, celui dont le pouvoir meut à son gré le ciel et la terre, me députe vers toi du haut du radieux Olympe : lui-même il m’a chargé de fendre rapidement les airs, pour t’apporter ses décrets. Qui t’arrête ? quel espoir enchaîne ton oisive langueur aux rives de l’Afrique ? Si l’éclat d’un illustre avenir ne touche point ton âme ; si tu n’oses t’immoler toi-même aux soins de ta grandeur ; vois du moins, vois croître le jeune Ascagne, et songe aux espérances d’un si cher héritier : c’est Iule qu’attendent le trône de l’Italie et le sceptre de Rome. » Ainsi parla Mercure ; et plus prompt que l’éclair, le dieu, quittant ses traits mortels, disparaît au loin dans la nue comme une vapeur légère.