Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/279

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d’Agamemnon, Oreste, traînant l’enfer sur la scène, fuit sa mère armée de torches et de serpens livides : il fuit, mais au seuil sont assises les Furies vengeresses.

Lors donc qu’en proie au désespoir, et vaincue par ses maux, Didon eut résolu sa mort, elle en arrête en sa pensée le moment et les apprêts : puis abordant sa tendre sœur, dont elle redoute les alarmes, elle feint en lui parlant un calme qu’elle n’a pas, et cache le trouble de son âme sous la gaieté d’un front serein. « Réjouis-toi pour Élise, chère Anne : j’ai trouvé l’heureux secret qui doit me rendre l’infidèle, ou m’affranchir de mon funeste amour. Près des bornes de l’Océan, non loin des ondes où le soleil éteint ses feux, règne une vaste contrée qui termine l’Éthiopie : c’est là que l’infatigable Atlas soutient sur ses épaules l’orbe enflammé où rayonnent les étoiles. Venue de ces climats, une prêtresse Massylienne arrive dans nos murs : jadis gardienne du temple des Hespérides, elle en nourrissait le dragon, veillait sur les rameaux sacrés de l’arbuste aux fruits d’or, et mêlait pour les festins du monstre le miel liquide aux pavots assoupissans. Son art puissant, dit-elle, endort à son gré nos peines, à son gré verse dans nos cœurs les soucis dévorans : elle parle, et les fleuves enchaînés s’arrêtent, les astres sanglans rebroussent d’horreur, et les Mânes plaintifs sortent de la nuit des tombeaux : tu verras mugir sous ses pieds la terre frémissante, et les pins déracinés descendre à sa voix des montagnes. J’en atteste les dieux, ô ma sœur ; j’en jure par toi-même, par ta tête chérie : c’est