Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/291

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le monstre, déchirer ses entrailles, et les disperser sur les ondes ? ne pouvais-je, le glaive en main, massacrer ses compagnons, égorger son Ascagne lui-même, et présenter son corps fumant au banquet d’un nouveau Thyeste ? Mais les dangers d’un combat douteux ? Les dangers ! en est-il pour qui veut périr ? J’aurais porté la flamme dans ses camps, j’aurais embrasé ses vaisseaux : et le fils et le père, et leur exécrable race, j’aurais tout immolé : moi-même, j’eusse expiré contente sur leurs corps expirans. Soleil, dont les rayons éclairent l’immensité du monde ; Junon, complice et témoin de ce fatal hymen ; Hécate, pour qui les cités tremblantes retentissent de hurlemens nocturnes ; et vous, impitoyables Euménides ; vous tous, dieux d’Élise mourante, je vous implore ! que vos justes vengeances éclatent sur les coupables : exaucez ma prière. S’il faut que l’impie touche au port, et se dérobe sur la terre à la furie des flots ; si Jupiter ainsi l’ordonne ; si rien ne peut changer son immuable arrêt : que du moins, assailli par un peuple audacieux, le cruel trouve partout la guerre, partout le carnage et l’horreur ! Que, chassé du rivage, arraché des bras de son fils, il erre, mendiant d’inutiles secours, et voie exterminer ses plus chers défenseurs ! Que, réduit à subir de honteux traités, il ne jouisse ni du trône ni de la douce clarté des cieux ! Qu’il tombe avant le temps, et que ses restes sans sépulture gissent abandonnés sur l’arène ! Voilà mes vœux : voilà le dernier cri que j’exhale en mourant. Et vous, ô Tyriens ! jurez à son peuple présent, jurez à son peuple à