Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/317

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Reviens, te dis-je, et serre le roc de plus près. » Ainsi Gyas rappelait son pilote à grands cris, quand soudain, détournant la tête, il aperçoit Cloanthe qui le presse, et dont la galère intrépide vole au but sans écart. Celui-ci, saisissant l’espace entre le vaisseau timide et la roche retentissante, laisse tout à coup derrière lui le rival qui le précédait, et, franchissant la borne, court désormais sans obstacle sur une mer sans périls. À cette vue, le feu de la colère embrase le cœur du jeune guerrier : des pleurs de rage ont inondé ses joues : il oublie sa gloire, il oublie le salut des siens, fond sur l’indocile Ménète, et, du haut de la poupe, le précipite dans les eaux. Lui-même il prend le gouvernail, lui-même il sert de pilote : ses cris animent la manœuvre, et sa main tourne le timon vers la plage écumante. Le vieux nocher, qu’appesantit le poids de l’âge, remonte enfin, non sans peine, des profondeurs du gouffre : tout ruisselant sous ses habits humides, il gagne le roc à la nage, en gravit les hauteurs, et s’assied sur leur cime aride. Les Troyens ont vu sa chute, et les ris ont éclaté : les ris le suivent encore se débattant sur l’onde, les ris encore le poursuivent vomissant les flots amers.

Alors une plus vive ardeur enflamme les deux derniers émules. Sergeste et Mnesthée brûlent de devancer Gyas retardé dans sa course. Bientôt Sergeste a saisi l’avantage ; il touche presque la borne. Sa carène toutefois ne déborde pas toute entière celle de son rival : la proue du Centaure précède la Baleine, la proue de la Baleine presse les flancs du Centaure. Cependant Mnesthée, courant d’un bord à l’autre