Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/353

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d’abord, bientôt ils se partagent, et sous leur triple chef volent en triple escadron ; puis rappelés par un nouveau signal, ils reviennent sur leurs pas, et les rangs en présence se menacent de leurs dards. On les voit ensuite se replier, s’étendre, s’éviter, se poursuivre, et, tour à tour croisant leurs marches, rompant leurs files tour à tour, offrir dans une lutte innocente l’image d’un conflit meurtrier. Tantôt, par une fuite simulée, ils montrent le dos à l’ennemi ; tantôt, retournant leurs lances, ils semblent prêts à se charger ; quelquefois, ralliés sous les mêmes drapeaux, ils s’avancent paisiblement ensemble, et la guerre est finie. Tel qu’autrefois ce labyrinthe, merveille de la Crète, cachait, dit-on, dans son enceinte obscure, mille sentiers tortueux, mille routes entrecoupées d’insidieux détours ; dédale inextricable, où les pas, une fois égarés, ne trouvaient plus d’issue : tels, dans leurs mouvemens divers, les jeunes Troyens entrelacent leurs courses, et mêlent en se jouant les combats à la fuite. On dirait de légers dauphins, dont les troupes vagabondes, sillonnant à l’envi les flots, fendent les mers de Carpathe ou celles de Libye, et folâtrent sur les ondes.

Ces joutes, ces tournois, ces simulacres de guerre, Ascagne les renouvela chez son peuple, lorsqu’il eut élevé les remparts d’Albe-la-Longue. Il apprit aux anciens Latins à célébrer ces jeux, tels qu’il les célébrait lui-même dans son enfance avec la jeunesse phrygienne. Les Albains les transmirent à leurs descendans : c’est d’eux que Rome, cette maîtresse du monde, les a reçus depuis ; et son respect a conservé