Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/373

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de Libye ? Vous l’avez vue soulever les flots jusqu’aux cieux, et sourire aux noirs ouragans qu’Éole déchaînait pour elle. C’est votre empire qu’elle osait ainsi bouleverser ! Aujourd’hui, pour comble d’horreur, voilà que soufflant aux Troyennes son aveugle délire, elle embrase par leurs mains forcenées la flotte de mon fils : et lui, pleurant la perte de ses vaisseaux, il faut qu’il abandonne sur une rive étrangère ses infortunés compagnons. Ah ! sauvez-en du moins les restes. Qu’ils puissent, je vous en conjure, voguer en sûreté sur vos ondes ! qu’ils puissent toucher enfin les bords du Thybre et les champs de Laurente ! Mes vœux, hélas ! ne contrarient pas les Destins, et les Parques nous ont promis cet asyle. »

Ainsi parla Vénus. Le souverain dominateur du profond Océan, le fils de Saturne lui répond : « Ordonnez, déesse de Cythère ; vous pouvez tout dans un empire où je règne, et qui fut votre berceau. Moi-même j’ai quelques droits à votre confiance : plus d’une fois, en votre faveur, j’ai calmé cette furie des vents, j’ai dompté cette rage effroyable des cieux et des mers conjurés. Sur la terre (j’en atteste et le Simoïs et le Xanthe), mes soins ne furent pas moindres pour votre cher Énée. Quand l’impitoyable Achille, poursuivant les Troyens, en exterminait sous leurs propres murs les bandes éperdues, et précipitait des milliers de morts aux enfers ; que les fleuves gémissaient, encombrés de cadavres, et que le Xanthe, obstrué dans son cours, ne pouvait rouler jusqu’aux mers ses flots ensanglantés : votre