Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/447

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plongées au fond d’un lac immense, elles s’y lavent des taches qui les flétrissent ; ailleurs, elles se retrempent à l’ardeur des brasiers. Chacune a son tourment. Lorsque les temps sont accomplis, lors que le cours des âges les a purgées de leur fange étrangère, lorsque enfin est resté pur ce souffle éthéré, cette étincelle du feu céleste ; le spacieux Élysée les admet dans son sein. Mais peu d’élus en habitent pour toujours les campagnes fortunées. La foule, après mille ans révolus, doit retourner au séjour des vivans. Un dieu rassemble ces âmes voyageuses au bord du fleuve de l’oubli : là s’effacent de leur mémoire et leurs peines et leurs plaisirs : elles n’aspirent plus qu’à revoir la lumière, qu’à rentrer dans des corps. »

Ainsi parlait Anchise ; et conduisant au milieu des bruyans fantômes le héros et la prêtresse, il monte avec eux sur un tertre fleuri, d’où sa vue peut embrasser le long essaim des ombres circulant devant lui, et saisir leurs traits fugitifs. « Connais maintenant, poursuit-il, quelle gloire attend la postérité de Dardanus, quels rejetons l’Italie réserve à Pergame, quelles âmes généreuses doivent ressusciter Ilion. Que ton oreille soit attentive ; je t’annonce, ô mon fils, la grandeur de tes destinées.

« Tu vois ce jeune prince qui s’appuie sur un sceptre ? Le sort le plaça le premier aux portes de la vie ; le premier saluant le jour, il naîtra du sang réuni de Laurente et de Troie. Silvius est son nom ; Silvius, nom cher aux Albains. Fruit tardif de tes dernières années, il croîtra dans les bois, sous l’œil