Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/155

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la grêle, affronte et la grêle et les vents. Tandis qu’à couvert du danger, les agneaux bêlent sous leurs mères, farouche, et l’œil en feu, il bondit, il hurle de rage contre sa proie absente. Sa faim, qu’un long jeûne aiguillonne, s’irrite à l’appât du carnage, et sa gueule brûlante est altérée de sang. Ainsi le Rutule, à l’aspect du camp ceint de murs, s’enflamme de colère ; ainsi, contre l’obstacle, rugit son courroux forcené. Comment s’ouvrir un passage ? comment arracher les Troyens de leur indigne retraite, et les attirer dans la plaine ?

Mouillée sous le flanc des remparts, leur flotte reposait, défendue par les boulevards qui l’entourent et par les eaux du fleuve. Turnus fond sur les nefs, Turnus appelle à l’incendie ses guerriers triomphans ; et le premier, dans ses transports, il saisit un pin embrasé. Sa fougue a passé dans leur âme ; chacun de ses soldats semble un nouveau Turnus, et mille bras à l’envi s’arment de noirs brandons. De toutes parts volent les débris ardens des foyers ; la torche fumante sillonne au loin les airs de ses clartés livides, et la flamme ondoie dans les cieux en tourbillons étincelans.

Ô Muses ! quel dieu détourna des Troyens cet horrible incendie ? quel pouvoir sauva leurs vaisseaux de ces feux dévorans ? Parlez : antique est ce prodige, mais la foi des vieux âges en a consacré la mémoire.

Lorsque autrefois, dans la Phrygie, Énée construisait ses navires au pied du mont Ida, et se disposait à franchir l’immensité de l’Océan, l’auguste aïeule des dieux, Cybèle elle-même, adressa, dit-on, ces