Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/169

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pas, pour ta mère infortunée, la cause d’un affreux désespoir ! elle, hélas ! elle qui, seule de tant de mères, osa suivre un fils sur les flots, et dédaigna pour toi la cour du généreux Aceste ! » Mais Euryale : « En vain tu m’opposes de frivoles prétextes ; le sort en est jeté : marchons. » Il dit, et réveille les gardes. À l’instant de nouveaux guerriers remplacent le couple intrépide, et veillent à leur tour au poste qu’il occupait. Libre alors, Euryale se joint à Nisus ; et vers le pavillon royal tous deux s’avancent à grands pas.

C’était l’heure où Morphée suspend au loin sur la terre les soucis des mortels, et verse dans tous les cœurs le doux oubli des maux. Debout cependant, les princes du peuple et les chefs de l’armée balançaient au conseil les chances douteuses du combat : « Quel parti prendre ? quel envoyé fidèle adresser au héros troyen ? » Tandis qu’ils délibèrent, appuyés sur leurs longues javelines, et couverts de leurs boucliers, le camp, dans un calme guerrier, repose et se tait autour d’eux. Tout à coup paraissent Euryale et Nisus : « On ne peut, disent-ils, on ne peut trop tôt les admettre ; un grand intérêt les amène, et les momens sont chers. » Ascagne sourit à leur impatience, et leur permet de s’expliquer.

Alors le fils d’Hyrtacus : « Oh ! fasse le ciel, dignes compagnons d’Énée, que votre faveur nous seconde ! daignez peser notre entreprise, et non pas nos années ! Plongé dans la double ivresse du sommeil et du vin, l’ennemi ne se fait plus entendre : près de la porte qu’avoisinent les mers, non loin