Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/181

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Un long ruisseau pourpré rougit la verdure, où s’exhale le dernier soupir du Rutule : il vomit, en expirant, des flots de sang et de vin. Cependant le bouillant Troyen poursuit dans l’ombre ses nocturnes exploits. Déjà il s’avançait vers les pavillons de Messape, dont il voyait les feux mourans s’éteindre, et dont les coursiers oisifs paissaient en liberté dans la plaine. Mais tout à toup Nisus l’arrête ; Nisus a craint pour son ami les aveugles écarts d’une imprudente ardeur : « Éloignons-nous, dit-il ; l’aurore nous menace de ses feux prêts à luire. Assez de victimes sont tombées sous nos coups ; ces rangs, éclaircis par la mort, nous livrent un passage. » Ils marchent ; l’or et l’argent épars de tous côtés, et les brillantes armures, et les vases précieux, et les magnifiques tapis ne séduisent point leurs yeux. Mais Euryale a vu l’écharpe de Rhamnès et son baudrier parsemé de clous d’or, riche présent qu’autrefois Rémulus avait reçu dans Tibur de l’opulent Cédicus, quand Cédicus absent voulut s’unir à lui par les liens de l’hospitalité : Rémulus, en mourant, légua ce gage à son fils, jeune encore ; après le trépas du jeune prince, les Rutules vainqueurs en firent leur conquête. Euryale s’en saisit, et couvre, hélas ! en vain ses épaules guerrières de ce noble ornement. Son front se pare ensuite du casque de Messape, où, sur un cimier d’or, flotte un double panache. Ils sortent enfin du camp, et gagnent des lieux plus sûrs.

Cependant un rapide escadron était sorti des remparts de Laurente : tandis que l’armée latine se déploie dans la plaine en ordre de bataille, il s’avançait