Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/193

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l’aspect des soldats, ni la crainte du danger, ni l’appareil des armes, rien ne l’arrête : et ses cris redoublés font retentir les airs : « Te voilà donc, ô mon cher Euryale ! te voilà, toi, tardif appui qu’espéraient mes vieux ans ! As-tu bien pu délaisser ma faiblesse ? cruel ! as-tu bien pu, quand tu partais pour de si grands périls, te soustraire aux derniers adieux d’une mère infortunée ? Hélas, abandonné sur une terre inconnue, en proie aux chiens affamés, aux vautours dévorans, tu gis sans sépulture ? Je n’ai point, ô mon fils, accompagné tes funérailles ? Je n’ai point fermé ta paupière, lavé tes blessures ? Je ne t’ai point couvert de ces tissus précieux, que ma tendresse empressée hâtait le jour, hâtait la nuit, et dont le travail charmait les ennuis de ma vieillesse ! Où te chercher ? quels lieux recèlent ta dépouille sanglante, tes membres déchirés, et tes lambeaux épars ? C’est donc là, mon fils, ce qui me reste de toi ! c’est là ce que poursuivait mon amour sur la terre et les eaux ! Percez, percez mon sein, si quelque pitié vous touche ; épuisez sur moi tous vos traits, ô Rutules ; que je serve à vos glaives de première victime ! Ou toi, puissant maître des dieux, exauce mon désespoir ! et, d’un éclat de ta foudre, précipite aux enfers le triste objet de tes vengeances, puisque la douleur n’a pu terminer ma déplorable vie ! » Ces cris ont ému tous les cœurs ; dans tous les rangs circule un triste gémissement, et les courages amollis n’appellent plus les combats. Déjà l’abattement paralysait l’armée, quand Idée, quand Actor, par les soins d’Ilionée, par ceux d’Iule en pleurs,