Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/211

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Jupiter la sauvage Iéra, et dont la taille égalait les sapins et les monts qui les avaient vus naître. Ils ouvrent tout à coup la porte confiée à leur garde par la sagesse des chefs, et, protégés de leur seule armure, défient les cohortes rutules d’affronter le passage. Debout sur le seuil au pied de chaque tour, ils brandissent fièrement leur lance, et sur leur tête hautaine agitent un panache immense. Tels, rois altiers des humides rivages, aux bords de l’Éridan ou du riant Adige, deux chênes superbes s’élèvent à la fois, portent jusqu’aux cieux leur front qu’a respecté le fer, et balancent dans la nue leur cime aérienne.

À peine les Rutules ont-ils vu la barrière ouverte, qu’ils s’élancent pour la franchir. Vains efforts ! et Quercens et le brillant Aquicole, et le présomptueux Tmarus, et l’audacieux Hémon, ou fuient, entraînant avec eux des bataillons entiers, ou mordent la poussière au pied de la porte homicide. Alors s’allume avec plus de fureur la rage des combattans : déjà les Troyens plus nombreux se pressent autour des deux vainqueurs ; bientôt ils osent provoquer les assaillans eux-mêmes ; et, plus hardis enfin, ils s’abandonnent dans la plaine.

Le fier Turnus, en ce moment, échauffait ailleurs le carnage, et semait sur un autre point l’épouvante et la mort : tout à coup on l’informe que l’ennemi se baigne dans le sang des Rutules, et laisse ses remparts insolemment ouverts. Il abandonne son attaque ; et, bouillant d’un ardent courroux, il vole à la porte fatale, et cherche le couple orgueilleux. Le premier