Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/213

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s’est offert aux yeux du héros, Antiphate, né d’une mère thébaine et du grand Sarpédon : soudain Turnus lui lance un javelot rapide : le trait mortel fend les airs, et, frappant au cœur le guerrier, se plonge dans sa large poitrine : du fond de la noire blessure des flots de sang jaillissent en écumant ; et le fer s’arrête fumant dans le poumon qu’il déchire. Ensuite sa main immole Aphidnus, immole Érymante et Mérope. Il aperçoit enfin Bitias, les yeux étincelans, et le cœur frémissant de rage. Ce n’est plus d’un javelot que s’arme alors Turnus : un javelot n’eût point terrassé le colosse ; mais une lourde phalarique, chassée d’un bras nerveux, siffle horriblement dans les airs, et frappe le géant avec l’impétuosité de la foudre. Ni le triple cuir de son bouclier, ni la double écaille d’or dont se hérisse sa fidèle cuirasse, n’ont pu tenir contre le choc épouvantable : ce corps énorme chancelle, il tombe : la terre au loin gémit, et les cieux retentissent du bruit de son armure. Ainsi parfois sur les rivages de Baies, enfant d’Eubée, s’écroule un vaste amas de pierres, formé de ruines immenses, et que mille bras précipitent dans les mers : ainsi la masse, dans son horrible chute, ébranle au loin la plage, et roule avec fracas au fond de l’humide abîme : les flots agités se troublent, un noir limon s’élève sur les ondes : à ce bruit effroyable, Prochyte a tremblé jusqu’en ses fondemens, et sur son lit de rochers Inarime en murmure ; Inarime, dont le courroux de Jupiter accable à jamais l’audacieux Typhée.