Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/219

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il joint Halys, il joint Phégée, dont il fracasse l’humble pavois. Ensuite, surpris ensemble le long des murs, d’où ils repoussaient les assauts, périssent à la fois Alcandre et Noëmon, Halius et Prytanis. Lyncée s’avançait menaçant ; il appelait ses compagnons : mais Turnus, la gauche appuyée contre le rempart, lève à l’improviste son glaive étincelant ; et d’un seul coup, fait voler au loin et la tête et le casque de son ennemi. Ailleurs il immole Amycus, la terreur des forêts, savant dans l’art d’empoisonner les flèches, et de tremper le fer dans des sucs mortels. Là succombent et Clytius, enfant d’Éole, et Créthée, cher aux Muses ; Créthée, leur sectateur fidèle, qui se plaisait sans cesse à marier sa voix aux accords de sa lyre, à former de nobles concerts ; sans cesse il chantait les coursiers, et les exploits des héros, et les triomphes de Mars.

Enfin, au bruit de ces affreux massacres, les chefs troyens accourent. C’est Mnesthée, c’est l’ardent Séreste : quel spectacle ! leurs guerriers fugitifs, et Turnus dans la ville ! Mnesthée alors : « Où prétendez-vous fuir ? où courez-vous ? dit-il. Quel autre abri, quel autre asyle vous reste ? Un seul homme, ô citoyens, un seul, et captif dans vos murs, aura donc impunément semé la mort au sein de vos remparts ? impunément il aura précipité dans les enfers l’élite de vos guerriers ? Quoi ! ni votre infortunée patrie, ni vos antiques dieux, ni le grand Énée, ne peuvent vous émouvoir ? la pitié, l’honneur, sont-ils donc éteints dans vos âmes ? » Animés par ce discours, ils rappellent leur vertu