Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/303

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pour honorer tant de vertu ? De quel prix son âme sensible paiera-t-elle ta noble tendresse ? Cette armure charmait ta valeur : qu’elle pare encore ton cercueil. Repose en paix au tombeau de tes pères : si cette faveur peut consoler tes mânes, je l’accorde à ta cendre. Du moins, dans ton malheur, un juste orgueil adoucira ton sort : tu meurs des mains du grand Énée. » À ces mots, il remet aux Latins en deuil cet objet de douleur ; lui-même il le soulève, et mouille d’une larme ces beaux cheveux souillés de sang et de poussière.

Au milieu de ces tristes soins, Mézence, au bord du Tibre, lavait sa blessure dans le cristal d’une eau limpide, et respirait du moins, appuyé sur un tronc sauvage. Suspendu à l’écart, son casque d’airain flotte aux rameaux d’un chêne ; et ses armes pesantes reposent sur la terre. Debout autour de lui, veille l’élite de ses guerriers. Lui, faible, haletant, il soutient avec peine sa tête languissante, et laisse tomber sur sa poitrine les flots de sa barbe en désordre. Sans cesse il s’informe du destin de son fils ; sans cesse il le rappelle par de nouveaux messages, et veut qu’il se rende à l’instant aux ordres d’un père alarmé. Mais déjà s’avançaient les compagnons de Lausus : les yeux noyés de pleurs, ils portaient sur ses armes leur chef inanimé ; leur chef, hélas ! héros tombé sous les coups d’un héros. Au bruit lointain de leurs gémissemens, un noir présage a trop instruit Mézence : il souille ses cheveux blancs d’une horrible poussière ; il lève au ciel ses deux mains frémissantes ; il se jette, il se roule sur ces restes glacés : « Quel aveugle amour