Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/309

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au moyen de hâter sa victoire. Tout à coup il s’élance, et, frappant de sa javeline le front du coursier superbe, y fait une blessure profonde. L’animal irrité se cabre ; il bat de ses pieds les airs, chancelle, tombe, et roule sur son maître abattu : embarrassé dans sa chute, le guerrier se débat en vain sous le poids qui l’accable.

À cet aspect, un cri subit a porté dans les nues et la joie des Troyens et l’effroi des Rutules. Énée accourt, et tire du fourreau sa redoutable épée ; puis d’une voix terrible : « Où donc est maintenant le féroce Mézence ? qu’est devenue cette audace indomptée ? » Le Toscan alors, reprenant ses esprits, jette au ciel un sombre regard, et répond d’un air farouche : « Cruel vainqueur, pourquoi m’insulter ? je ne crains pas la mort. Tu peux sans crime trancher ma vie : ce n’est point pour obtenir grâce que j’affrontai tes coups ; et mon fils ne t’a point, en mourant, marchandé mon pardon. La seule faveur que je demande (si les vaincus peuvent en attendre aucune), c’est qu’un peu de poussière couvre du moins mon corps. Je sais quelle implacable haine m’ont vouée mes sujets : défends de leur fureur ma dépouille mortelle, et consens qu’un père partage la tombe de son fils. » Il dit, et reçoit dans la gorge le fer qu’il attendait : son sang ruisselle sur ses armes, sa vie s’échappe avec son sang.