Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/331

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parts, les feux étincellent ; et les campagnes offrent au loin l’image d’un vaste embrasement. Quand la troisième aurore a chassé des cieux les froides ombres de la nuit, la foule, silencieuse et morne, vient fouiller ces vains monceaux de cendres : elle y recueille les ossemens épars que la flamme n’a pu détruire, et couvre ces pieux restes d’une terre encore fumante.

Mais c’est dans les murs de Laurente, dans le palais du riche Latinus, que règne un trouble plus affreux, une désolation plus cruelle. Là des mères éplorées, des veuves inconsolables ; là de tendres sœurs plongées dans l’affliction, de jeunes orphelins redemandant leur père, maudissent et cette guerre funeste et l’hymen de Turnus : « Qu’il coure lui-même tenter le sort des armes ; lui-même, le fer en main, qu’il attaque son rival : c’est à lui de vaincre, puisqu’il aspire au trône d’Italie, aux honneurs du rang suprême. » La haine de Drancès fomente ces discours : « Oui, le Troyen n’en veut qu’au seul Turnus, c’est Turnus seul qu’il appelle au combat. » Malgré tant de voix qui l’accusent, Turnus n’est pas sans défenseurs : le grand nom de la reine protège le Rutule, et les trophées du héros lui font un rempart de sa gloire.

Au milieu de ces mouvemens, au milieu du tumulte dont fermente la ville, s’avancent d’un air consterné ceux qu’envoya Latinus auprès du grand Diomède : ils apportent la réponse du fils de Tydée. Tant de soins, tant d’efforts, tant de peines n’ont produit qu’un refus : ni les présens, ni l’or, ni les