Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/349

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Perfide ! va tenir ce langage à tes chers Troyens, à leur chef, ton idole. Continue de répandre en tous lieux de chimériques terreurs, d’exalter la puissance d’un peuple deux fois vaincu, de ravaler les exploits des généreux Latins. Maintenant, si l’on veut t’en croire, les héros de la Grèce pâlissent devant les hordes phrygiennes ! maintenant le fils de Tydée, maintenant l’invincible Achille, redoutent ces nouveaux Pâris ; et loin des flots adriatiques, l’Aufide rebrousse épouvanté ! L’imposteur ! avec quel artifice il feint de craindre ma vengeance ! comme sa frayeur simulée cherche à me rendre odieux ! lâche ! cesse de trembler ; jamais ton sang impur ne souillera mes mains : que ton corps vil garde son âme plus vile encore : un tel séjour est digne d’elle.

Mais je reviens à vous, ô mon père ; parlons de vos sollicitudes. Si vous n’osez plus asseoir d’espérance en nos armes ; si tout nous abandonne ; si, pour un seul revers, nous sommes perdus sans ressource ; si la fortune nous a fuis sans retour, implorons la paix, et tendons au vainqueur des mains suppliantes… Ah ! pourtant, s’il nous restait quelque ombre de notre ancienne valeur, combien nous paraîtraient heureuses ces illustres victimes qui, préférant le trépas à l’opprobre, ont mordu glorieusement la poussière, et sont mortes au lit d’honneur !… Mais si le sort nous laisse et des trésors et de nombreuses phalanges ; si les cités et les nations de l’Italie sont prêtes à nous aider de leurs puissans secours ; si les Troyens eux-mêmes