Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/351

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n’ont acheté la victoire que par des flots de sang ; si, comme nous, ils ont leurs morts à pleurer ; si les deux partis, enfin, ont également à gémir des ravages de Mars ; pourquoi, guerriers sans courage, reculer dès le premier pas ? Pourquoi trembler aux premiers accens du clairon ? Plus d’une fois le temps, le temps et ses vicissitudes, ont amené des changemens heureux : plus d’une fois la Fortune, passant des vainqueurs aux vaincus, se joua des triomphateurs, et raffermit les états qu’elle avait ébranlés. Nous n’aurons pas l’appui de l’Étolien ; Arpos ne se joint pas à nous : mais nous aurons Messape, et l’heureux Tolumnius, et tous ces chefs fameux, sous qui marche l’élite de tant de peuples conjurés : la gloire ne dédaignera pas de suivre les héros du Latium et les braves qu’enfanta Laurente. N’avons-nous pas encore cette guerrière intrépide, Camille, l’honneur du sang des Volsques ; Camille, et sa brillante cavalerie, et ses escadrons étincelans d’airain ? Si pourtant c’est moi seul que les Troyens appellent aux combats ; si Latinus l’approuve ; si je suis un tel obstacle au repos de l’empire ; non, la victoire n’a pas été jusqu’à ce jour tellement infidèle à mon bras, que je ne sois prêt à tout oser pour une cause si glorieuse. J’irai, j’irai sans effroi chercher ce fier rival ; fût-il plus grand qu’Achille, fût-il couvert comme lui d’armes forgées par Vulcain. Digne émule des héros mes aïeux, je cours me dévouer pour vous, et pour le père de Lavinie. Énée défie Turnus ! Ah ! ce défi, je l’accepte avec joie. Le lâche Drancès du moins,