Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/353

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si la colère des dieux me garde un sort funeste, ne partagera point mes périls : si leur faveur couronne ma vaillance, il ne partagera point ma gloire. »

Ainsi les Latins, occupés des malheurs de l’empire, se consumaient en longs débats : cependant Énée, las du repos des camps, déployait ses drapeaux dans la plaine. Tout à coup un avis trop sûr en apporte au palais du monarque l’effrayante nouvelle, et remplit Laurente des plus vives alarmes : « Déjà, dit-on, les Troyens soutenus des cohortes étrusques descendent en bataille des rivages du Tibre, et couvrent au loin les campagnes. » À ce bruit imprévu, les esprits se troublent, le peuple ému s’agite, et l’aiguillon de la colère a réveillé les courages. On court, on vole aux armes : la jeunesse en fureur appelle les combats ; les vieillards consternés gémissent et versent des pleurs : de toutes parts s’élève jusqu’au ciel le cri tumultueux des passions contraires. Telles des légions d’oiseaux remplissent de leurs voix confuses le bois profond qui les rassemble ; tels, attroupés sur les rives du Pô, des cygnes au chant rauque font retentir les bords poissonneux du fleuve et ses bruyans marais. Turnus saisit l’instant : « Courage, citoyens ! discourez à loisir ; vantez, à l’ombre de ces murs, les charmes de la paix ; et laissez l’ennemi porter le fer et la flamme dans le cœur de l’état. » Il dit, s’éclipse, et, plus rapide que l’éclair, il est déjà loin de l’auguste assemblée. « Vous, Volusus, s’écrie-t-il, faites prendre les armes aux bataillons des Volsques, et commandez aux Rutules. Vous Messape, vous Coras et Catille, étendez dans la plaine vos