Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/363

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hésite : il regarde le jeune objet de son amour, et tremble pour un fardeau si cher. Entre mille projets qu’il roule dans sa pensée, il embrasse enfin, non sans peine, ce périlleux parti. La main robuste du guerrier portait une énorme javeline, tronc noueux et durci dans la flamme : il façonne en léger berceau l’écorce d’un siège sauvage, y dépose sa fille, et l’attache avec art autour de l’arme des combats : puis, balançant d’un bras nerveux le pesant javelot, il s’écrie, les yeux au ciel : — « Chaste reine des forêts, auguste fille de Latone ! tu vois cette enfant que j’adore : un père, en ce moment, la voue à tes autels. Déjà couverte de tes armes, elle implore ton secours, et fuit dans le vague des airs, le trépas qui la poursuit. Reçois, je t’en conjure, reçois, ô déesse, ce précieux dépôt : je le confie, hélas ! aux caprices des vents douteux. » — Il dit, et, rassemblant toutes ses forces, il fait voler le dard qui s’échappe à grand bruit : le fleuve pousse un long murmure ; l’infortunée Camille fuit sur l’onde rapide avec le trait retentissant.

L’ennemi s’approchait : Métabus, à l’instant, se précipite dans les flots ; et, maître enfin de l’autre bord, il en arrache d’un bras triomphant et sa lance et sa fille, sa fille consacrée dès lors à mon culte. Nulle cité n’offrit d’asyle à ce prince malheureux, nulle ne le reçut dans ses murs : lui-même, en ses chagrins farouches, eût détesté la demeure des villes. Sauvage compagnon des pâtres, il passa le reste de ses jours dans leur agreste solitude. Là, parmi les ronces inhabitées, au