Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son sang virginal. Ses compagnes éplorées s’empressent d’accourir et soutiennent dans leurs bras leur reine chancelante. Arruns fuit, effrayé lui-même du coup qu’il a porté ; il fuit, pâle à la fois de joie et de terreur : le lâche n’ose plus compter sur sa lance ; il craint d’affronter sa victime expirante, et redoute encore son courroux. Tel, sans attendre les dards conjurés qui le poursuivent, court par des routes écartées se cacher au fond des montagnes, ce loup vorace qui vient d’immoler un pasteur, ou d’égorger un superbe taureau : épouvanté de son audace, honteux et repliant sous lui sa queue tremblante, il fuit, et la peur l’accompagne à travers les forêts. Tel Arruns éperdu se dérobe à tous les yeux ; et, content d’échapper, va se confondre dans la foule des combattans.

Camille mourante veut arracher le trait fatal ; mais enfoncé parmi les os, le fer aigu demeure inébranlable dans les profondeurs de la plaie. Faible et languissante, elle s’affaisse par degrés ; par degrés ses yeux s’éteignent sous les glaces de la mort : si vermeilles naguère, les roses de son teint se fanent : elle n’a plus qu’un souffle de vie. Alors appelant Acca, l’une de ses compagnes chéries, Acca, la plus fidèle confidente des pensées de Camille, celle qui partageait ses plaisirs comme ses peines, elle lui tient ce langage : « Jusqu’à présent, ô ma sœur, ma force a servi mon courage ; maintenant une blessure cruelle rend ma valeur inutile, et de noires ténèbres s’épaississent autour de moi. Pars, vole, et porte à Turnus