Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/39

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Faible d’abord en ses ravages, le fiel brûlant qu’il distille n’a fait qu’effleurer les sens d’Amate. Tant qu’elle ne couve encore qu’un feu lent et secret ; tant qu’elle n’est point encore embrasée de toutes les ardeurs des Furies, sa plainte est moins superbe. Mère, elle gémit en mère, et se répand en larmes sur sa fille, en larmes sur une indigne union. « Est-ce à des bannis, hélas ! est-ce aux parjures de Troie, qu’on donne Lavinie pour épouse ? Père cruel ! voyez-vous sans pitié votre fille et vous-même ? voyez-vous sans pitié sa mère, qu’au premier vent peut-être un lâche aventurier va fuir, entraînant au loin sur les mers sa conquête éplorée ? N’est-ce pas sous de pareils auspices qu’autrefois accueilli dans Sparte, le berger phrygien ravit Hélène à Léda, et conduisit sa proie dans les murs d’Ilion ? Où sont vos sermens solennels ? où sont ces tendres soins que vous inspirait jadis votre heureuse famille ? Qu’est devenue cette foi jurée si souvent à Turnus, à Turnus, dont le sang est le mien ? » « Il faut, dit-on, au Latium des hymens étrangers ; ainsi l’ordonnent les destins, et les oracles de Faune sont pour son fils des lois suprêmes. » « Eh bien, toute contrée non soumise au sceptre latin, et que des bords indépendans séparent de nos bords, je la regarde comme étrangère. C’est dans ce sens qu’il faut, sans doute, expliquer l’oracle. Turnus lui-même, si l’on remonte à l’origine de sa noble maison, n’a-t-il pas Inachus, Acrisius, pour aïeux ? et le ce berceau de sa race ne fut-il pas Mycènes ? »