Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/419

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plus renaître son feuillage léger, ni sa molle verdure, ni son mobile ombrage, depuis qu’arraché dans les bois au tronc qui le portait, il a quitté la tige maternelle, et dépouillé sous le tranchant du fer sa chevelure et ses rameaux. Jadis arbrisseau flexible, aujourd’hui monument d’un art industrieux, il rayonne enchâssé dans l’or, et, porté par les rois du Latium, il annonce leur pouvoir suprême. » Tels étaient leurs traités, tels étaient leurs sermens ; et les chefs des deux armées environnaient leurs princes. Soudain le fer sacré se lève : le sang des victimes égorgées ruisselle sur la flamme ; on arrache encore vives leurs entrailles palpitantes ; de larges bassins les reçoivent, et les autels en sont couverts.

Cependant les Rutules commencent à redouter une lutte incertaine : la crainte et l’espérance les agitent tour à tour : plus ils observent les deux rivaux, moins ils jugent leur vigueur égale. Leur inquiétude augmente, lorsqu’ils aperçoivent l’humble contenance de Turnus, et sa démarche silencieuse, et son air suppliant aux pieds des autels qu’il implore : ils tremblent, en remarquant ses yeux baissés, ses joues livides, son front où la pâleur a terni l’éclat du jeune âge.

Dès que Juturne voit éclater le mécontentement des soldats, et l’esprit flottant de la multitude incliner vers d’autres projets, elle s’élance tout au milieu des bataillons, cachée sous les traits de Camerte ; de Camerte, guerrier célèbre par la noblesse de ses ancêtres, fils renommé d’un père qu’illustra sa valeur, et terrible lui-même en un jour de bataille.