Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/437

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relève les plis mouvans de sa robe flottante, et déploie tout son art : mais c’est en vain qu’il multiplie ses épreuves savantes, et qu’il applique tour à tour les herbes salutaires dont Phébus lui montra le pouvoir ; c’est en vain qu’il secoue le dard d’une main habile, en vain qu’il en saisit la pointe avec un fer mordant : nul effort n’ouvre une route à la flèche rebelle, et les leçons du dieu servent mal son disciple. Cependant l’horreur du carnage s’accroît au loin dans la plaine : le péril devient plus pressant. Déjà de noirs tourbillons de poussière ont obscurci les cieux : les coursiers des vainqueurs touchent aux portes des vaincus ; un orage de traits fond sur le camp des Troyens : de toutes parts s’élèvent dans les airs les cris funèbres des guerriers qui s’égorgent, des malheureux qui tombent victimes des fureurs de Mars.

Alors Vénus, profondément émue des longues souffrances de son fils, vole dans la Crète, et cueille, aux sommets de l’Ida, le dictame sacré ; le dictame, cette plante aux feuilles cotonneuses, aux bouquets de fleurs purpurines : le chevreuil blessé dans les bois connaît ces tiges bienfaisantes, lorsqu’il emporte dans ses flancs le dard ailé du chasseur. L’Immortelle, voilant ses traits divins sous un nuage obscur, apporte le baume précieux, l’infuse dans le vase brillant où tremble une eau limpide ; et, toujours invisible, elle y mêle avec art les sucs de la douce ambroisie, et l’odorante panacée. Le vieux fils d’Iasus distille sur la blessure l’onde enchantée dont il ignore la vertu : soudain a fui la douleur ; soudain, étanché dans la