Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/461

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concitoyens. Énée tonne contre nos remparts ; il menace de renverser les tours de la superbe Laurente, et de l’ensevelir elle-même sous ses débris fumans. Déjà les torches volent sur nos toits près de s’écrouler. C’est toi seul désormais que les Latins appellent, toi seul que cherchent leurs regards inquiets : Latinus lui-même, Latinus, irrésolu, doute quel gendre il doit choisir, quelle alliance il doit embrasser. C’est peu : la reine, ton plus fidèle appui, a terminé de ses propres mains ses misérables jours : effrayée de nos désastres, elle a fui la lumière. Seuls fermes à nos portes, Messape et le brave Atinas y soutiennent encore un combat inégal : autour d’eux se pressent les deux armées rivales ; et les rangs, hérissés de dards étincelans, présentent au loin l’image d’une moisson de fer. Toi cependant, tu promènes inutilement ton char sur cette arène abandonnée ! »

Troublé par le récit lugubre de tant de malheurs divers, Turnus est frappé de stupeur : immobile et les yeux en terre, il garde un morne silence : au fond de son cœur agité, se soulèvent et grondent la colère impétueuse, le désespoir aveugle, l’amour furieux et l’honneur indigné. Sitôt que la nuit confuse répandue dans son âme commence à s’éclaircir, et qu’un rayon de lumière vient éclairer sa raison, il tourne, en frémissant, vers les murs de Laurente ses regards enflammés, et contemple du haut de son char la cité reine du Latium. À l’instant même, un tourbillon de flammes ondoyantes s’élevait jusqu’aux cieux, roulant d’étage en étage le long d’une tour