Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/49

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bondit dans sa prison brûlante, et jusqu’aux bords fumeux s’enfle en torrent d’écume : enfin victorieuse, l’onde s’échappe de toutes parts ; une noire vapeur s’exhale dans les airs.

C’en est fait, tout pacte est rompu ; c’est contre l’ingrat Latinus qu’il veut guider lui-même l’élite de ses phalanges. « Déployez vos étendards ; courez défendre l’Italie ; périsse ou fuie un perfide étranger ! Pour punir à la fois et Troyens et Latins, c’est assez de Turnus. » Il dit, et de ses vœux fatigue les Immortels. Ses guerriers, à l’envi, s’animent à la vengeance. Les uns vantent sa beauté, sa jeunesse ; les autres, cette longue suite de rois dont il est descendu : tous admirent sa vaillance et ses brillans exploits.

Tandis que Turnus inspire aux Rutules sa fougueuse audace, Alecton a tourné vers le camp troyen ses ailes infernales. Là, machinant de nouvelles trames, elle épie sur le rivage le moment où l’aimable Ascagne tantôt poursuivait de ses dards, tantôt surprenait dans ses piéges les hôtes des forêts. Soudain la fille du Cocyte souffle aux chiens haletans une aveugle rage, et, frappant d’un parfum connu leur subtil odorat, précipite leur ardeur sur la voie d’un cerf éloigné. Fatal artifice, cause de tant de maux, et par qui la guerre mit en feu ces agrestes peuplades !

Superbe, et le front paré de sa ramure altière, ce cerf était l’orgueil des enfans de Tyrrhée. Dérobé jadis à sa mère, ils se plaisaient à le nourrir sous le toit paternel, près de Tyrrhée lui-même, à qui le monarque avait confié l’empire de ses troupeaux et l’intendance de ses vastes domaines. Sa docilité, sa douceur,