Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/63

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et tranquille auparavant. Déjà la plaine se couvre de bataillons épais ; déjà volent, sous les rapides escadrons, des nuages de poudre. Partout s’apprête le carnage. Tantôt l’huile onctueuse rend aux boucliers leur poli, rend aux javelots leur éclat ; tantôt la pierre aiguise le tranchant de la hache. On aime à déployer aux vents les bannières flottantes, on se plaît au bruit des trompettes. Cinq vastes cités, sur l’enclume retentissante, forgent à l’envi de nouvelles armes : la florissante Atine, Tibur la superbe, Ardée, Crustumère, Antemne couronnée de tours. Là, se creuse l’armure qui protège le front des guerriers ; ici, l’osier flexible se façonne en large bouclier ; ailleurs, sur l’airain des cuirasses, sur les brillans cuissarts, l’argent pur s’amincit en lames éblouissantes. Près du soc sans honneur, près de la faux sans gloire, la charrue languit dédaignée. Vulcain retrempe en ses fourneaux les glaives rouillés dans la paix. Enfin le clairon sonne ; enfin court parmi les rangs le signal du départ. L’un saisit à la hâte le casque suspendu sous sa tente ; l’autre attelle à son char ses chevaux frémissans, charge son bras de son écu, et, sous les triples mailles d’or dont sa cuirasse étincelle, s’avance, le flanc ceint de sa fidèle épée.

Ouvrez maintenant l’Hélicon, chastes filles de Mnémosyne, et soutenez nos chants. Dites quels rois se liguèrent ; quelles armées, sur leurs pas, inondèrent l’Italie ; quelles races valeureuses enfantait déjà cette mère des héros ; quel vaste incendie sa colère alluma. Vous en gardez le souvenir, ô Muses, et vous