Page:Virgile - Georgiques Delille 1819.djvu/121

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Tantôt, dans l’endroit même où le bouton vermeil
Déjà laisse échapper sa feuille prisonnière,
On fait avec l’acier une fente légère :
Là d’un arbre fertile on insère un bouton,
De l’arbre qui l’adopte utile nourrisson :
Tantôt des coins aigus entrouvrent avec force
Un tronc dont aucun nœud ne hérisse l’écorce :
À ces branches succède un rameau plus heureux.
Bientôt ce tronc s’élève en arbre vigoureux ;
Et, se couvrant des fruits d’une race étrangère,
Admire ces enfants dont il n’est pas le père.
Le même arbre d’ailleurs, diversement produit,
Voit changer son feuillage et varier son fruit.
La terre, dans les bois, nourrit sous plusieurs formes
La race des lotos, des cyprès et des ormes ;
Les saules ne sont pas les mêmes en tous lieux :
L’olive, ainsi qu’au goût, est différente aux yeux :
En des moules divers la nature la jette,
En globe l’arrondit, ou l’allonge en navette.
La poire est distinguée, ici par sa grosseur ;
Là, par son coloris ; plus loin, par sa douceur.
L’une mûrit l’été, l’autre tombe en automne ;
Celle-ci dans l’hiver à la main s’abandonne.
Notre vigne fleurit suspendue aux ormeaux ;
La grappe de Lesbos rampe sur les coteaux ;
Les raisins sont tardifs, ou se pressent d’éclore ;
Le pourpre les rougit, ou le safran les dore :
Ceux-ci sur les rochers se cuiront lentement,
Ceux-là s’amolliront dans l’airain écumant.
Ici d’un jus vermeil la sève généreuse
Dans nos veines répand une chaleur heureuse ;
Là les esprits fumeux de ce vin sans couleur
Enchaîneront la langue et les pas du buveur.
Vois les vins blancs de Thase et de Maréotide :
L’un veut un terrain gras, et l’autre un sol aride.
Rhétie, on vante au loin tes vins délicieux ;
Mais Hébé verserait notre Falerne aux dieux.