Page:Virgile - Georgiques Delille 1819.djvu/209

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C’est là que ces mortels, dans d’immenses brasiers,
Entassent des ormeaux et des chênes entiers ;
Là, brute comme l’ours qui fournit sa parure,
Dans un morne loisir toute une horde obscure
Abrège par le jeu la longueur des hivers,
Et boit un jus piquant, nectar de ces déserts.
Nourris-tu des brebis pour dépouiller leurs laines ?
Fuis les bois épineux et les fertiles plaines ;
Que tes troupeaux, couverts d’un duvet précieux,
D’une laine sans tache éblouissent les yeux.
Qu’on vante du bélier la blancheur éclatante,
Et même eût-il l’éclat de la neige brillante,
Si sa langue à tes yeux offre quelque noirceur,
A l’époux du troupeau choisis un successeur :
Au lieu de rappeler la blancheur de sa mère,
L’enfant hériterait des taches de son père.
Diane, si l’on peut soupçonner que ton cœur
Ait pu dans le dieu Pan reconnaître un vainqueur,
Ce fut une toison plus blanche que l’ivoire
Qui, dans le fond d’un bois, lui valut la victoire.
Le laitage à tes yeux est-il d’un plus grand prix ?
Engraisse tes troupeaux de cytises fleuris ;
Sème d’un sel piquant l’herbage qu’on leur donne :
Il répand dans leur lait un suc qui l’assaisonne ;
Et leur soif, plus ardente, épuisant les ruisseaux,
En des sources de lait ils transforment ces eaux.
Plusieurs, pour conserver ce nectar salutaire,
Défendent aux enfants l’approche de leur mère.
Les laitages nouveaux du matin ou du jour,
On les fait épaissir quand l’ombre est de retour :
Ceux du soir, dans des joncs tressés pour cet usage,
La ville, au point du jour, les reçoit du village ;
Ou, le sel les sauvant des atteintes de l’air,
Dans un repas frugal on s’en nourrit l’hiver.