Page:Virgile - Georgiques Delille 1819.djvu/75

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Si ce culte pieux n’obtient pas de beaux jours,
La lune de l’orage annonce au moins le cours :
Et le berger connaît par d’assurés présages
Quand il doit éviter les lointains pâturages.
Au premier sifflement des vents tumultueux,
Tantôt au haut des monts d’un bruit impétueux
On entend les éclats ; tantôt les mers profondes
Soulèvent en grondant et balancent leurs ondes ;
Tantôt court sur la plage un long mugissement,
Et les noires forêts murmurent sourdement.
Que je plains les nochers, lorsqu’aux prochains rivages
Les plongeons effrayés, avec des cris sauvages,
Volent du sein de l’onde ; ou quand l’oiseau des mers
Parcourt en se jouant les rivages déserts ;
Ou lorsque le héron, les ailes étendues,
De ses marais s’élance et se perd dans les nues !

Quelquefois, de l’orage avant-coureur brûlant,
Des cieux se précipite un astre étincelant,
Et dans le sein des nuits, qu’il rend encor plus sombres,
Traîne de longs éclairs qui sillonnent les ombres :
Tantôt on voit dans l’air des feuilles voltiger,
Et la plume, en tournant, sur les ondes nager.
Si l’éclair brille au nord, de l’Eure et de Zéphire
Si la foudre en éclat ébranle au loin l’empire,
Alors, ô laboureur ! crains les torrents des cieux ;
Nochers, ployez la voile, et redoublez vos vœux.
Que dis-je ? Tout prédit l’approche des orages :
Nul, sans être averti, n’éprouva leurs ravages :
Déjà l’arc éclatant qu’Iris trace dans l’air
Boit les feux du soleil et les eaux de la mer ;
La grue, avec effroi s’élançant des vallées,
Fuit ces noires vapeurs de la terre exhalées ;
Le taureau hume l’air par ses larges naseaux ;
La grenouille se plaint au fond de ses roseaux ;
L’hirondelle en volant effleure le rivage ;
Tremblante pour ses œufs, la fourmi déménage ;