Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 1.djvu/151

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Leur troupe s’en saisit ; de leur asile avare
On tire les trésors de ce monstre barbare :
Maîtres de sa richesse, et bravant son courroux,
Ils voguent. Une femme a conduit ces grands coups !
Sur ces bords à leur ville ils cherchaient une place,
Et leur ruse innocente achète autant d’espace
Que la peau d’un taureau, dépouillé par leur main,
Pourrait en s’étendant embrasser de terrain :
Leur ville en prit son nom. Mais, vous, puis-je connaître
De quel sang vous sortez, quels lieux vous ont vu naître,
Où s’adressent vos pas ? » Elle dit. Le héros,
Poussant du fond du cœur de douloureux sanglots :
  « O déesse ! dit-il, si du sort qui m’accable
J’essayais de conter l’histoire lamentable,
Dans ce triste récit j’épuiserais le jour.
Au sortir d’Ilion, notre antique séjour,
(Peut-être d’Ilion vous savez l’infortune),
Traînant de mers en mers une vie importune,
Enfin l’onde en courroux m’a jeté dans ces lieux.
Vous voyez cet Enée, adorateur des dieux,
Connu par ses exploits, connu par ses désastres ;
Mon nom, trop glorieux, a volé jusqu’aux astres.